Le Syndrome d'Entérocolite induite par les Protéines Alimentaires (SEIPA)
Le SEIPA est une forme d'allergie non Ige-médiée assez méconnue caractérisée par une hypersensibilité alimentaire du système digestif. Il s'agit d'une allergie retardée à médiation cellulaire. L'ingestion de l'allergène causal provoque alors une inflammation. Des études sont en cours afin de mieux comprendre les mécanismes sous jacents. Le SEIPA (ou FPIES en anglais) , affecte principalement les enfants et nourrissons.
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Deux formes de SEIPA
- Le SEIPA chronique
L'enfant ingère régulièrement l'aliment et présente des signes de RGO, des douleurs abdominales, de l'agitation, des vomissements et/ou des diarrhées intermittentes avec glaires et filets de sang. Les troubles s'aggravent avec le temps. Sa courbe de croissance est souvent impactée (prise de poids <10g/jour pour un bébé).
- Le SEIPA aigue
L'enfant ingère un aliment qui provoque des vomissements répétés et incoercibles sous 1 à 3 heures en moyenne (jusqu'à 20 épisodes de vomissements). Eventuellement, on note une diarrhée sous 6h à 12h parfois, glairo-sanglante. Le tableau peut être sévère. Ces symptômes peuvent entrainer une déshydratation avec pâleur, léthargie, hypothermie inférieure à 36°, hypotension conduisant dans les cas les plus graves à un choc hypovolémique (les organes ne sont plus perfusés et se détériorent de manière irréversible en commençant par les reins) ainsi qu’à une acidose métabolique.
Toutes les protéines alimentaires peuvent être potentiellement responsables des troubles. En France, les protéines de lait de vache, le soja et le riz sont souvent en cause.
Dans tous les cas, la dose réactogène varie d'un individu à l'autre, allant de la simple miette à la portion normale témoignant du degré de sensibilité à l'allergène.
Face à la difficulté pour poser le diagnostic, une phase chronique précède souvent une phase aigue. On admet que le SEIPA aux aliments solides présente un tableau de type aigue. Il en sera de même, si l'aliment n'est pas consommé très régulièrement ou après une longue période d'exclusion sans guérison.
L'âge médian d'apparition des symptômes est de 20 jours pour le lait de vache et de 195 jours pour les autres aliments.
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Le diagnostic, les examens
La prise de sang:
Les RAST/IGE sont négatifs.
En phase chronique, l'enfant présente souvent une hyper éosinophilie, une anémie, une lymphocytose.
En phase aiguë, l'enfant présente une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles conduisant souvent à tort les urgentistes à étudier la piste d'une infection voire de la septicémie.
Les patchs tests:
Ils sont la plupart du temps négatifs. Lorsqu'ils sont positifs ils se révèlent néanmoins fiables puisqu'ils correspondent aux aliments en cause. Il est à noter que certaines études tendent à prouver qu'un enfant avec un patch positif mettra plus de temps à guérir.
L'analyse des selles:
Du sang occulte ou visible, des cristaux de charcoat-Leyden, des éosinophiles ainsi que des leucocytes peuvent être retrouvés.
Les endoscopies:
Face à un enfant souffrant et présentant des problèmes d'alimentation avec cassure de la courbe de croissance, le pédiatre pourra prescrire une endoscopie haute et/ou basse. L'œsophage, l'estomac, le duodénum, et le rectum sigmoïde sont explorés.
Une inflammation du tube digestif avec atrophie des villosités, œdème, infiltrats éosinophiles et augmentation des lymphocytes et mastocytes est courante.
Le diagnostic SEIPA repose essentiellement sur le clinique, sur les faits constatés par les parents et médecins. Bien que les examens invasifs mettent en lumière des anomalies, ils ne sont pas toujours nécessaires si ce n'est pour écarter d'autres pathologies et rassurer les parents.
Diagnostics différentiels:
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Pathologies à éosinophiles: endoscopies, biopsies
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Maladie Cœliaque: tests sanguins, endoscopies, biopsies
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Troubles du métabolisme: tests sanguins, analyses d'urines
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Immunodéficience primaire: tests sanguins
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Troubles alimentaires d'origines mécaniques ou psycho-pathologique (aversion ou néophobie alimentaire) respectivement : TOGD, évaluation psychologique.
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Prise en charge au quotidien:
L'éviction stricte de l'aliment causal est appliquée. De même, il peut être préconisé d'éviter les allergènes majeurs la 1ère année de l'enfant sauf, bien sûr, s'il en a déjà ingéré sans difficultés. La réactivité croisée des protéines n'est pas décrite dans le SEIPA comme elle l'est dans les réactions Ige-médiée. Dans tous les cas, ne pratiquez jamais de diète préventive sans avis médical.
L'enfant suivant un régime d'exclusion doit être supplémenté et une préparation adaptée à son âge pourra venir se substituer à son "lait" habituel.Prendre conseils auprès d'un spécialiste en diététique est nécessaire lorsque les exclusions sont nombreuses et notamment pour une éviction d’aliments à riches apports nutritionnels.
Concernant l'allaitement, il n'y a que des cas anecdotiques d'enfants souffrant de SEIPA sous lait maternel. La plupart des enfants allaités semblent tolérer les allergènes au sein. Les opinions divergent. Néanmoins, si l'enfant a une réaction aigüe suite à la consommation directe de l'aliment, la mère devrait mener une éviction également. De même si l'enfant ne se développe pas harmonieusement.
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Prise en charge d'urgence:
Le SEIPA est une forme encore méconnue d'allergie alimentaire et vous devrez demander une lettre d'information à destination des personnels et services d'urgence. Ce document permet de connaître le protocole à suivre en cas d'ingestion accidentelle. L'enfant peut porter un bracelet d'identité médicale si ce document n'est pas accessible en tous lieux. Vous devrez vous rendre aux urgences ou contacter les secours en cas de manifestations SEIPA. L'enfant sera perfusé pour être réhydraté et des corticoïdes en intraveineuse seront injectés. L'usage de l'épinéphrine n'est pas habituel. Les symptômes cessent rapidement avec la prise en charge médicale de l'enfant.
N'oubliez pas d'établir un PAI si votre enfant est gardé ou scolarisé.
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Réintroduction des aliments :
Les aliments sont souvent mieux tolérés cuits que sous leur forme crue, certaines protéines n’étant pas thermorésistantes.
Le défi alimentaire ou test de provocation orale (TPO) est le plus fiable des indicateurs d’acquisition de la tolérance.
Le TPO se déroule sous supervision médicale en hôpital de jour de pédiatrie.
Il existe un protocole précis suivant l’allergène incriminé. Par exemple pour les protéines de lait de vache, l’enfant entre à 8h pour une prise de constantes et de sang ainsi que la pose d’un cathéter. Il ingère 50ml de PLV et si tout va bien 6h après, il rentre chez lui. Il devra entretenir cette tolérance en consommant chaque jour environ 50ml de PLV sous formes variées. 6mois plus tard, si l’enfant ne présente pas de symptômes, un autre TPO est organisé avec 200ml.
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Prise en charge et évolution de la maladie:
Les patients SEIPA ont de très bon taux de guérison complète : 60% à 2 ans, 70% à 3 ans et 90% des enfants seront guéris vers 6 ans. Les SEIPA aux aliments solides mettent plus de temps à céder. Des SEIPA peuvent évoluer en allergie IGE-Médiées. Environ 30% des enfants développent des maladies atopiques telles que la rhinite allergique ou la dermatite atopique. Des cas « résistants » d’entérocolite d'enfants et même d’adolescents , existent, il s'agirait de formes atypiques de SEIPA.
le SEIPA est une forme complexe d’allergie non Ige-médiée qui ne peut être diagnostiquée clairement grâce aux tests tels que ceux utilisés pour les autres allergies alimentaires. Des antécédents familiaux d'allergies sont rapportés chez un grand nombre de patients (40 à 80%). Le diagnostic reposera essentiellement sur l’historique des symptômes et sur le défi alimentaire. Votre enfant aura bon espoir de guérir après une période d’exclusion d’environ 18 mois minimum. Le gastroentérologue et/ou l’allergologue suivront votre enfant régulièrement et des mesures diététiques lui permettront d’avoir une croissance harmonieuse. Son intégration sociale et son développement seront également surveillés.
Pour en savoir plus...
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24699338
http://www.allergienet.com/enterocolite-proteines-alimentaires-allergies/
F. Rancé, E. Bidat, A. Deschildre. Les signes cliniques, le diagnostic et la prise en charge de l’allergie aux protéines du lait de vache d’après les recommandations internationales du DRACMA
Chaabane M, Bidat E, Chevallier B. syndrome d’entérocolite induit par les protéines alimentaires, à propos d’une observation. Rev Fr Allergol 2010 ; 50 : 465-9.
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http://www.uptodate.com/contents/food-protein-induced-enterocolitis-syndrome-fpies#H15042663
http://www.iaffpe.org/Current_studies.html
http://www.allergyuk.org/childhood-food-allergy/fpies